27 février 2018

Ian Rankin, "Le diable rebat les cartes" : joyeux 20e anniversaire en France ! !

Tous à vos bougies, vos serpentins et vos coupes de champagne : voici venir la 21e enquête de John Rebus (en français), que son auteur, Ian Rankin, viendra présenter à Lyon à Quais du polar. Nous y reviendrons. Pour l'occasion, les éditions du Masque publient, bien sûr, son nouveau roman, Le diable rebat les cartes, mais aussi un recueil de nouvelles passionnant qui permettra à ceux qui ne connaissent pas encore Ian Rankin de se familiariser avec l'histoire de son héros John Rebus, The Beat Goes On. Ce titre vous dit quelque chose ? Normal, depuis le début, Ian Rankin donne à ses romans des titres de chansons qui sont autant d'hommages à la deuxième passion de l'auteur, la musique. Cette fois, Rather Be the Devil, le titre d'origine du nouveau Rebus, est emprunté au regretté John Martyn.





Plus John Rebus vieillit, plus le passé semble l'attirer comme un aimant... Quand le roman commence, surprise, l'homme dîne en galante compagnie, avec Deborah Quant, médecin légiste de son état. Et il fête sa 368e heure sans cigarettes. Vous pouvez me croire si je vous dis que c'est un exploit... Il faut dire que ses poumons lui jouent des tours : une vieille toux lui pourrit la vie, il crache du sang, des analyses sont en cours. Pédale douce sur les cigarettes, pédale douce sur l'alcool: aurait-on perdu John Rebus ? Bien sûr que non. La tentation est toujours là, et finalement c'est ça qui compte. Il faut dire que Deborah Quant use de méthodes que John Rebus ne renierait pas : elle lui a apporté, dans un joli bocal, un morceau de poumon, bronches bousillées comprises. Pour qu'il le garde tant qu'il en aura besoin.
 
Pour l'heure, le dîner en tête à tête se termine avec une quinte de toux et un déca à la Galvin Brasserie Deluxe, un restaurant qui, autrefois, appartenait au Caledonian Hotel, l'hôtel de luxe d'Edimbourg qui porte aujourd'hui le nom de Waldorf Astoria Caledonian. Et le lieu rappelle des souvenirs à John Rebus : quarante ans auparavant, une femme, Maria Turquand,  a été assassinée dans une chambre de l'hôtel. Une femme de banquier venue s'encanailler sans son cher époux. Un meurtre pas vraiment élucidé... Cette histoire-là, Rebus la racontera à Deborah sur le chemin du retour en taxi, jusqu'à chez elle, ou chez lui... De notre côté, nous attendrons un peu avant d'en savoir plus.
L'hôtel Caledonian
 Dans l'Edimbourg d'aujourd'hui, Darryl Christie vient de se faire agresser devant chez lui - ceux qui ont lu le précédent Rebus savent que Christie, grand nom de la pègre de Glasgow, est venu s'installer à Edimbourg dans le but de récupérer le territoire de Cafferty, l'ennemi n°1 de Rebus que Christie croit trop vieux pour tenir sa place. Quelle erreur... Et c'est Siobhan Clarke qui mène l'enquête. Avec Malcolm Fox, qui vient d'être promu par Police Scotland dans le flambant neuf et ultra-moderne QG de Gartcosh. Soixante kilomètres d'Edimbourg : une promotion pareille, il faut bien que ça se paye... Siobhan Clarke, d'ailleurs, ronge son frein : c'est à elle qu'aurait dû revenir ce poste. Du coup, la relation amicale, voire plus, entre elle et Malcolm  s'est pour le moins refroidie. C'est dans ce panier de crabes que John Rebus va devoir s'immiscer. Car Cafferty, c'est sa spécialité, on a besoin de ses lumières. Vous pouvez compter sur lui pour mettre les pieds dans le plat. Mais aussi pour se montrer aussi opiniâtre et intelligent qu'à son habitude, et pour se mettre à dos tout ce que la police moderne compte de technocrates aux dents longues... On n'en attend pas moins de lui.

The Scottish Crime Campus at Gartcosh, North Lanarkshire (source Wikimedia Commons)

Qui a bien pu s'attaquer à Darryl Christie ? Tous les yeux de la police se tournent vers Big Ger Cafferty, bien sûr. Même si ce dernier fait profil bas ces derniers temps, même s'il a quitté sa grande maison pour déménager dans un appartement ultra-moderne, dans un autre quartier. Même s'il a un alibi... Ca se complique. Un autre coupable, bien commode, avoue l'agression. Problème : ce pauvre type-là avoue à peu près toutes les agressions commises en ville, histoire de faire parler de lui. Et quand Rebus s'en mêle, on a tôt fait de comprendre que le bonhomme n'a pas grand-chose à voir avec l'histoire. Et l'histoire d'aujourd'hui tout à voir avec l'histoire d'hier, celle de Maria Turquand, qui obsède John Rebus.
Ian Rankin à Harrogate en 2017
 Vous connaissez Ian Rankin. Quand Rebus s'intéresse de si près à une affaire, c'est qu'elle n'est pas un simple fait divers. Son flair n'a pas pris une ride, si j'ose dire... Cette affaire-là n'est pas terminée. Le mari de Maria Turquand était banquier. Dans l'hôtel où elle a été assassinée, le soir de son meurtre, une vieille gloire du rock résidait, avec sa bande de potes et autres dealers. Coïncidence ? En fouillant dans le passé, Rebus va se faire un paquet d'ennemis, comme à son habitude, et surtout réveiller les vieux démons d'Edimbourg la bourgeoise. Ses corruptions, ses banquiers pourris, ses sales affaires, sa misère discrète, ses traffics de l'ombre. Encore une fois, John Rebus va jouer un rôle décisif, donner un coup de poignard dans les institutions et les conventions. Coup de poignard, coup de canif ? Nous ne sommes pas dans un roman policier où, une fois le coupable démasqué, on pousse un grand soupir de soulagement. Avec Ian Rankin, Rebus a beau dire et beau faire, le ciel n'est jamais sans nuages, l'éclaircie n'est jamais durable, l'illusion d'un monde meilleur n'est pas à l'ordre du jour.

Crépuscule à Edimbourg

 Malgré l'âge, John Rebus garde sa colère et son opiniâtreté. Mais jamais il ne perd de vue le mal : dans ce roman-là en particulier, Rankin nous montre à quel point Cafferty, pour lequel Rebus, et le lecteur avec lui, a pu avoir quelque tendresse, est dangereux, violent, aussi opiniâtre que Rebus en fait... Aussi attaché au mal que Rebus l'est au bien, en quelque sorte. Car il y a quelque chose de métaphysique dans les enquêtes de John Rebus. Ce n'est certes pas nouveau. Mais la vieillesse, la maladie, l'approche lente mais inexorable de la mort du héros donnent aux romans de Ian Rankin une dimension tragique qui, paradoxalement, protège cet auteur-là de ce qui guette trop souvent les créateurs de héros récurrents : l'habitude, le mécanisme bien huilé, la routine finalement. Une dimension tragique tempérée par l'humour féroce de Rankin, et son sens du dialogue qui, de roman en roman, ne cesse de s'affirmer. Le diable rebat les cartes est un roman à l'intrigue complexe, aux personnages finement approfondis, aux ressorts dramatiques redoutables, passionnant de bout en bout. Une lecture obligatoire, en quelque sorte!

Si vous voulez en savoir plus sur les enquêtes de John Rebus, lire notre dossier ici



Ian Rankin, Le diable rebat les cartes et The Beat Goes On (recueil de nouvelles), traduits par Freddy Michalski, Le Masque, en librairie à partir du 1er mars.

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